24 Janv: 1766 à Paris
Mon ancien ami et notre cher grand Maitre, vous allés aprandre par une lettre de M. Contant Dorvile et par les deux Vol. que frère Damilavile vous fera tenir, qu'on vous a rendu portatif pour ceux qui ne peuvent pas avoir tous vos ouvrages.
Je ne connois point ce M. Dorvile qui m'a fait remettre sa lettre et son livre.
Notre belle faiseuse de Romans a été fort sensible à votre lettre et elle m'en a fait tenir la réponse pour la cachetter comme il conviendroit.
J'ai été fort touché de vos beaux vers intéressants et philosophiques sur la mort de M. le Dauphin. C'est une belle et heureuse Invention que cette adresse à Henri le Grand. Je les ai retenu comme la belle et singulière Epitre à Mle Clairon presque en les entendant.
Je viens de lire avec beaucoup de plaisir les révolutions de l'Empire Romain en deux vol. pour servir de suite à M. l'abé de Vertot. Il commence par Auguste et finit par Alexandre Severe. Tacite est fondu dans cet ouvrage avec beaucoup de goût, de critique et d'esprit philosophique. Cet ouvrage prouve que la hardiesse et la liberté de penser ne sont ni étouffées ni contraintes. J'en ai fait aussi mon compliment au censeur.
Le rétablissement de ma santé se maintien malgré la rigueur de l'hyver. Je voudrois bien savoir si le chocolat vous est aussi bienfaisant qu'à moi. Cependt faites attention que c'est à un grand usage du Thé verd que je dois la guérison parfaite de la pituite qui m'obstruoit toute la teste, le Cerveau, le Nés, les yeux et les oreilles. J'ai éprouvé qu'il est un excellent Céphalique qu'il ôte l'assoupissement et le vertige, et qu'il fortifie la mémoire. Il est souveraint contre l'indigestion, les crudités et les affections hypocondriaq. Friend dit qu'il est gentle Diaphoretick and admirable diluter. Il ne m'a point ôté mes convulsions, mais il m'en a excessivement diminué le nombre et l'intensité.
Vous êtes pour votre Népotisme comme les Papes. J'ai apris tous les beaux traits de libéralité et de magnificence que vous avés répandus sur Madame Fontaine et Monsieur L'abé Mignot, indépendament de votre fille adoptive, de beaucoup d'autres que je connois, et encor de beaucoup d'autres que je ne connois pas, sur lesquels votre générosité s'est exercée. Lorsque vous serés en situation de satisfaire cet esprit de bienfaisance qui vous anime si souvent, trouverés vous bon qu'un vieux ami aussi vous demande avec franchise de vouloir bien vous souvenir qu'il est chargé de six cent Livres à payer par chaque année pendt quat. ans pour sa fille naturelle, ce qui le prive de bien des douceurs que vous lui feriés retrouver si vous pouviés l'aider. C'est le seule épine qui embarasse mon bonheur et mon repos.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Tht