9 Juin 1761 à Paris
M. de Malsherbes tient parole et a fait saisir tous ces jours cy la réponse à M. le Duc de la Valliere et la lettre à l'archidiacre qui la donna lui même de très bonne grâce à qui la lui demanda….
Il m'est échappé dans le nombre des pièces que M. de Malsherbes dit qu'il falloit imprimer dans cette 3e suitte des Mélanges de vous indiquer aussi l'Apologie de Mylord Bolinbrogk…. J'ai leu avec un très grand plaisir la lettre de M. Clockpicre à M. Eratou sur la question, si les Juifs mangeoient de la chair humaine &c… Vous étiés en belle humeur quand vous l'avés faite….. Vous devancerés de beaucoup M. Cramer pour l'impression de cette 3e suitte, car il est icy dans une dissipation continuelle, allant de maisons en maisons à la campagne, tantôt près, tantôt loin, chés Madame d'Epinai, chés M. Helvetius et partout, en sorte qu'il paroit à peine à Paris où M. Dargental ni moi ne l'avons encor pu joindre. C'est à vous donc que retournera cette affaire qui n'en sera que mieux faite, et à la satisfaction générale.
Vous m'avés demandé deux ou trois fois le mémoire des déboursés que j'ai fait pour les livres et les brochures que je vous ai envoyés depuis avril 1760, jusqu'au mois de May de cette présente année. Il n'est pas fort considérable comme vous voyés, mais il m'est fort nécessaire dans la situation où je suis. Je différois et je prenois patience parceqe j'espérois que l'impression des brochures réüssiroit.
Madame Dupin qui vous conserve beaucoup d'amitié et beaucoup d'intérest pour tout ce qui vous concerne m'a remis deux copies du portrait de l'abé du Resnel qui lui a été toujours fort attaché. Ces deux copies qui vous sont destinées, l'une pour vous être envoyée sur le champ et qu'on sacrifie à être frippée et gâtée, l'autre que je garde pour vous la transmettre proprement à la première occasion qui se présentera, vous font assés connoitre le désir que l'on a que vous rendiés à la Mémoire du deffunt abé qui étoit votre Client et votre protégé, le même honneur que vous avés fait à la Mémoire de plusieurs autres; Madame Dupin m'a dit qu'elle se chargeoit toute seule de la reconnoissee de cette complaisance que vous voudriés bien avoir pour sa demande, et espère que Madame Denis à qui elle fait ses compliments et ses amitiés voudra bien seconder ce qu'elle désire.
Vous aurés sçu la réussite extrême de Tancrède à Choisi et que le Roi après avoir témoigné lui même à Mle Clairon combien il avait été content lui avoit envoyé Cent Louis.
Le Comité de la porte st Bernard attend la réponse de M. le Conseiller de Dijon aux observations et remontrances que je vous ai fait savoir sur sa Comédie. La présentation attend. C'est un bon choix de Platon qui est le seul qu'il connoisse. Jamais affaire n'a été plus prudement conduite que celle là le sera.
Le portrait de l'abé Du Rénel ne ressemble-t'il pas si fort qu'il en fait rire?
Les nouvelles que l'on vient recevoir de Belle Isle relèvent nos espérances pour hâster la paix aussi bien que le bon acceüil qu'on a fait à M. de Bussy sur le chemin de Douvres à Londres.
L'affaire de Madame de Boisgiron a fini par une prison perpétuelle dans une maison de force chés des religieuses à Ghingham au fond de la Bretagne, où elle sera rasée, vêtüe de bure, au pain et à l'eau et le suplémt par le travail des mains. Elle a volé plus de Cent mil Ecus à Madame la Dauphine, malgré la jouissance de 60 mil livres de rentes que son Mari et elles possèdent, et 40 mil Ecus qu'ils ont tous deux, par an, par leurs places. C'est M. le Maréchal de Richelieu qui a découvert par les Juifs de Bordeaux toutes les infâmies de cette vilaine Créature qui n'a aucun complice.
J'ai saisi très vivement vos jolis petits Vers à Madame Elie de Beaumont.
On dit que vous auriés besoin pour l'Edit. de Pierre Corneille de vous arranger avec les libraires de Paris qui en ont le privilège. On croit que vous en pourriés tirer Mille Louis au profit de Mle Corneille en leur abandont votre travail. On pense qu'il y faudroit joindre celui d'une révision pénible et longue des Textes des différentes éditions, et si c'étoit votre avis, on cherchert quelque bon travailleur pour s'y mettre. On prétend que c'est la voye la plus sûre pour faire réüssir votre noble et beau projet.
Vale.
Tht