8 août 1742
… La tragédie que Voltaire doit faire jouer cette semaine donne occasion aux réflexions du public sur cet auteur.
Il paraît qu'il est décrié généralement. On est parfaitement persuadé que la lettre au roi de Prusse, qu'il a désavouée, est certainement de lui. On cite m. de La Reynière, qui l'a eue entre les mains, et qui l'a remise à m. le cardinal. On rapporte que Voltaire, ayant été pour se disculper auprès de m. de Mailly, en avait été très mal reçu, et que tous ceux qui l'avaient protégé jusque là n'ont pas voulu se mêler de cette affaire. Malgré la protection de madame la duchesse de Luxembourg, on prétend qu'elle lui a fait défendre sa porte, aussi bien que toutes les personnes de considération. Madame du Châtelet est examinée avec des yeux aussi sévères; on trouve singulier qu'une femme de qualité conduise par la main un homme qui s'est rendu l'objet du mépris général. On dit, par dérision, qu'il faut bien se donner de garde de la voir, qu'elle a trop d'esprit, et qu'elle peut rester avec Voltaire, qui doit lui tenir lieu de tout. On ne lui fait pas plus de quartier sur ses galanteries. Le sieur Dinart, gouverneur de son fils, n'a été choisi, dit on, pour cet emploi, que parce qu'il se pique d'être sans religion.
L'on ne dit pas des choses avantageuses de la pièce de Voltaire, on s'attend qu'elle aura un mauvais succès. L'auteur prétend cependant qu'elle ne sera pas sujette à l'approbation de la police. Si les Nouvelles à la mainétaient remises, il conviendrait que le public fût informé de la vérité.