1767-06-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence.

Mon cher marquis j'allais vous écrire quand j'ay reçu votre lettre.
Je n'ay pas depuis quelque temps une destinée fort heureuse. J'ay été bien consolé quand vous m'avez appris que vous viendriez passer quelque temps dans votre ancien hermitage et accepter une cellule dans l'abbaye de Ferney. Mais voicy une nouvelle contradiction qui me survient. Je ne sçais si vous êtes instruit que j'ay la plus grande partie de mon bien chez Monsieur le Duc de Virtemberg. On propose un arrangement, et je me trouve dans la nécessité d'aller à Mont Beliard. Ce voiage me déplaît fort mais il m'est indispensable. Je vous prie de m'instruire au juste du temps où vous pourez venir, afin que je règle ma marche. Je présume qu'on commencera le procez des Sirven au conseil pendant votre séjour à Paris. Il me paraît presqu'impossible qu'on ne leur rende pas la même justice qu'aux Calas.

Vous allez voir des remontrances sur les deux vingtièmes. C'est fort bien de remontrer mais il faut payer ses dettes. Si le parlement trouve le secret de libérer l'état sans contributions, il me paraîtra fort habile. Messieurs vos fils seront sans doute du camp de Compiegne. N'irez vous pas à ce spectacle? Il est plus beau que ceux dont vous me parlez. Voulez vous bien me mettre aux pieds de Madame la princesse de Ligne? Je la crois très favorable à la bonne cause. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur.

V.