1754-09-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacob Vernet.

Ma mauvaise santé & le devoir indispensable de finir cet Essai sur l'Histoire universelle si étrangement défigurée m'ont retenu à Colmar.
J'ai été dans la triste nécessité d'en donner moi même un troisième tome, qu'on allait publier & altérer encore si je ne l'avais pas fait paraître; mais tout cela n'est qu'une très faible esquisse d'un plus grand tableau auquel je travaille. J'ai trouvé de très grands secours dans la bibliothèque de l'abbaye de Senones. Vous savez que mon principal but est l'histoire des mœurs, des usages et de l'esprit des hommes. C'est une moisson toute nouvelle que les autres historiens m'ont abandonnée. Je sens que je trouverais plus de secours encore dans la conversation d'un homme comme vous que dans les livres. Vous savez que les Grecs allaient en Egypte et aux Indes consulter des sages d'une autre religion qu'eux; le voyage de Colmar à Genève est plus facile.