1754-04-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Je vous prie de me rendre un service que j'ay bien à cœur, c'est de vouloir bien envoyer chercher sur le champ Lambert ou son garçon pour faire empaqueter sur le champ

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et de faire partir sur le champ le ballot par les rouliers de Strasbourg et à cette adresse: à Mr Pieron, premier valet de chambre de son altesse Electorale pour S. a. E. Mg. l'électeur palatin à Manheim.

Je vous demande en grâce ma chère enfant d'ordonner que cette petite affaire ne soufre aucun retardement.

Il se pourait faire aussi que S. a. E. achetât mon cabinet de phisique et mes tableaux. J'attends ses ordres sur cela incessamment. Manheim est une cour charmante, surtout l'été, mais je suis encor loin de songer ny à Manheim ny à Gotha ny à aucun séjour agréable. Il faut commencer par être en vie. Le père de Menou m'écrit une grande lettre pour me proposer d'aller aux eaux avec luy. En voicy une autre qu'il m'écrivit il y a quelques jours. Il consent qu'elle soit publique, et il n'y aurait pas de mal d'en orner le mercure. Vous pouvez en attendant la faire courir tant qu'il vous plaira. Je voudrais qu'elle parvînt à made de Pompadour puis qu'on a eu soin de publier celles qu'on impute au père de Menou et à moy.

Le prédicateur jesuitte qui est la cause de ce scandale est prié enfin de de quitter Colmar. On rend quelquefois justice. Je me flatte qu'on me la rendra quand on verra la véritable histoire universelle qu'on me force de rendre publique, mais ma santé est un grand obstacle à ce travail immense. Je ne sçais pas encor quand j'aurai la force de quitter Colmar et de me mettre en route. Nous en raisonerons une autre fois. Vous aurez incessamment Pamela, et le second tome des annales. C'est baucoup pour un malade. Adieu, je vous embrasse tendrement.

V.