1735-06-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

Vous attendez aparemment messieurs du Rhin, que l'Italie soit nétoyée d'Allemans, pour que vous fassiez enfin quelque bau mouvement de guerre, ou peutêtre pour que vous publiez la paix à la tête de vos armées.
Le pacifique philosophe dont vous vous moquez monseigneur est cependant entre ses montagnes faisant pénitence comme don Guichotte, et attendant sa Dulcinée. J'ay apris dans ma solitude que madame de Richelieu devient tous les jours une grande philosophe, et qu'elle a berné et confondu publiquement un ignorant prédicateur de jesuitte qui s'est avisé de disputer contre elle sur l'attraction et sur le vide. Vous allez de votre côté devenir un grand astronome quand vous aurez le gnomon universel que Varinge a promis de faire pour la somme de trois cent cinquante livres. Vous pouvez écrire à votre savante épouse de presser Ledit Varinge qui doit travailler à cet ouvrage incessamment, et le livrer au mois d'octobre. Croyez monseigneur le duc que mon respect pour la phisique et pour l'astronomie, ne m’ôte rien de mon goust pour l'histoire. Je trouve que vous faites à merveille de l'aimer. Il me semble que c'est une science nécessaire pour les seigneurs de votre sorte, et qu'elle est bien plus de ressource dans la société, plus amusante et bien moins fatigante que toutes les sciences abstractes. Il y a dans l'histoire comme dans la phisique certains faits généraux très certains, et pour les petits détails, les motifs secrets, etc., ils sont aussi difficiles à deviner que les ressorts cachez de la nature. Ainsi il y a partout également d'incertitude et de clarté. D'ailleurs ceux qui comme vous aiment les anecdotes en histoire, sont assez comme ceux qui aiment les expériences particulières en phisique. Voylà tout ce que j'ay de mieux à vous dire en faveur de l'histoire que vous aimez, et que made du Chatelet, méprise un peu trop. Elle traitte Tacite comme une bégueule qui dit des nouvelles de son quartier. Ne viendrez vous pas un peu disputer contre elle quelques jours à Cirey? Je vais vite vous faire bâtir un apartement. Je croi que vous reviendrez des bords du Rhin

Un peu las de votre campagne,
Très affamé de jeunes cons
Et pour des cus fermes et ronds
Oubliant toute l'Allemagne.
Vous m'avouerez pour le certain
Que votre bonté passagère
Se saisira de la première
Honnête bégueule, ou putain,
Sage ou folle, facile ou fière,
Qui vous tombera sous la main.
Mais s'il vous peut rester encore
Quelque pitié pour le prochain,
Epargnez dans votre chemin
La bauté que mon cœur adore.

V.