[9 December 1742]
Mon cher Voltaire, j'ai oublié de vous envoyer ma comédie par le dernier ordinaire, ainsi que vous ne la recevrez que par celui-ci; je crains que votre curiosité sera mal satisfaite.
Si je n'avais qu'à faire des comédies, peut-être me réussiraient elles mieux; mais vous savez que je suis obligé de me partager en tant de branches qu'il ne m'est pas possible d'y fournir à toutes la sève convenable.
Votre Pucelle m'est toujours présente dans l'imagination; je vous prie, ne laissez pas imparfaite la charité que vous m'en avez faite et envoyez moi le reste de l'ouvrage.
Nous avons eu avant hier l'opéra de Cléopatra, qui a très bien réussi; il y avait un monde infini; les danseurs et les chanteurs se sont surpassés, et j'ai vu des Français hésiter sur le choix des airs de leur pays ou des Italiens.
Adieu, mon cher Voltaire; j'attends la grosse cargaison de vos ouvrages avec autant d'impatience que les juifs de Madrid attendent les galions et l'arrivée des trésors du Mexique.
Federic