1755-08-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Je vous supplie monsieur de faire lire cet écrit ou la substance à monsieur le cardinal de Tensin, et à monsieur de Rochebaron s'il est possible, pour prévenir de grandes calomnies et de grands malheurs.

Je vous supplie de me tenir prêts à leurs échéances le montant du billet cy joint de 166400lt signé Montmartel, et ce qui poura vous rester d'argent à moy.

Ma maison des prétendues Délices me coûte déjà plus de 120 mille livres. Quand vous et votre famille voudrez en jouir, je m'accomoderai comme vous voudrez et dès à présent si cela vous convient. Je vous embrasse tendrement et suis à vous pour jamais.

V.

Les la Baumelle et autres ont eu la barbarie de me poursuivre jusqu'au pied des Alpes. Ils ont fait courir partout un manuscrit digne de la plus vile canaille sous le nom de la pucelle d'Orleans. Voicy ce qu'on y trouve, c'est de Charles 7 roy de France dont il s'agit. Le laquais qui a composé ces vers n'est pas obligé de savoir que Charles 7 n'est point de la branche de Bourbon.

‘Charle amoureux d'une gueuse fannée
Dort en Bourbon la grasse matinée,
Et saint Louis, le saint et bon apôtre,
A ses Bourbons en pardonne bien d'autres:
Les Richelieux l'ont nommé maquereau.’

Voylà pourtant ce qu'on ose m'attribuer. Un nommé Grasset qui est d'ailleurs un voleur public m'est venu proposer de me vendre ce beau manuscrit cinquante louis d'or. Je l'ay sur le champ déféré à la justice, luy et son manuscrit. Il a été flétri et banni. On dit qu'il s'est retiré à Lyon et qu'il va à Trévoux. C'est un homme de trente ans portant ses cheveux, de la taille d'environ cinq pieds quatre pouces, assez quarré, une voix douce, et l'air embarassé d'un sot fripon.