5 aoust [1755]
J'ose attendre de votre amitié mon cher monsieur que vous voudrez bien me mettre au fait de la manœuvre du sr Maubert, et que vous entrerez dans la juste indignation où je suis contre ceux qui ont apporté icy le plat et abominable ouvrage que Grasset m'a voulu vendre cinquante louis d'or.
Quel échantillon affreux il m'en présenta! cela fait frémir l'honneur et le bon sens; quel monstre insensé et imbécile a pu fabriquer des horreurs pareilles? et comment ai-je pu me dispenser de déférer à la justice ce scandaleux avorton? Le conseil a fait tout ce que j'ay demandé à ma réquisition, et contre les distributeurs et contre la feuille qu'ils étalaient pour vendre le reste de l'ouvrage. Grasset au sortir de prison a été admonesté vertement et conseillé de vider la ville. Il est regardé icy comme un voleur public, mais encor une fois, comment peut il être lié avec Maubert? et comment Maubert a t'il avoué que c'est luy qui avait donné la feuille à Grasset? Il y a là dedans un tissu d'horreurs et d'iniquitez dont le fonds était le dessein d'escamoter cinquante louis d'or. Je suis obligé de poursuivre cette affaire, et n'ayant nulles lumières il faut que je l'abandonne. Cela, joint aux maladies qui m'accablent, exerce un peu la patience. Mais si votre amitié me console, je me croiray heureux. Je vous embrasse tendrement, et je voudrais bien vous embrasser à Monrion. J'espère vous y renouveller mon tendre attachement au mois de septembre.
V.