23 [juin 1761] aux Délices
O mes anges,
Le coup est violent, le trait est noir, l'embaras est grand.
Zulime soit, la voilà batisée, la voylà africaine. Elle a à faire à un espagnol. Il n'y a plus moyen de s'en dédire. Voicy une petite lettreà Nicodeme Tiriot qu'il ne serait pas mal de faire courir. Allons donc. Je vais songer à cette Zulime. La tête me bout. Serai-je toujours comme Arlequin qui voulait faire vingt deux métiers à la fois! Patience.
Mille respects je vous en conjure à monsieur le comte de Choiseuil. Comment va sa santé?
Ayez la charité d'envoyer à mr le duc de Choiseuil le présent paquet après en avoir ri.
Qui est ambassadeur à Rome? Je n'en sçais rien. Quelqu'il soit, il faut qu'il fasse mon affaire au plus vite. Monsieur le comte de Choiseuil protégez moy prodigieusement. Je veux que Rezzonico m'accorde tout ce que je demande. Quand le seigneur, le curé et toutte une paroisse présentent une supplique au pape, et que cette paroisse est auprès de Geneve, et que c'est à moy qu'elle appartient, le pape est un benêt s'il nous refuse.
J'espère bien que tous les Choiseuils me permettront de mettre leur nom en gros caractères parmy les souscripteurs de Corneille. Je vais d'abord tâter le Roy.
Mes anges si vous avez deux ou trois âmes à me prêter, envoyez les moy par la poste car je n'ay pas assez de la mienne. Toutte chétive qu'elle est, elle vous adore.
Songez mes anges qu'il y a un paquet pour M. le duc de la Valiere dans celuy de M. le duc de Choiseul, et pardonnez moy ma profusion d'importunitez.
Avez vous reçu la cargaison de Grizel?
Et les yeux?