1761-07-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.
Quoi, dit Alix, cet homme-ci s'endort
Après trois fois! Ah chien tu n'es pas carme.

On me dira, ah tu n'es pas Sophocle.

Ceci, mes adorables anges, est en réponse de la lettre du 30 juin dans laquelle vous me reprochez ma glace. Vraiment il n'est que trop vrai que l'âge, les maladies, les bâtiments, les procès, peuvent geler un pauvre homme. J'étais peut-être très froid quand j'ai radoubé Oreste, mais je suis très vif quand vous avez la bonté de le faire jouer, et cette vivacité mes chers anges est toute en reconnaissance, et non en amour propre d'auteur. Cependant comme cet amour propre se glisse partout, je vous prierai de faire jouer Oreste une quatrième fois après l'avoir annoncé pour trois, mais en cas qu'elle réussisse, en cas que le public soit pour la quatrième représentation, et qu'elle soit comme accordée à ses désirs. Il se pourra qu'en été trois fois lassent le parterre. Alors je me retirerai avec ma courte honte.

J'insiste beaucoup plus sur ce pantalon de Rezzonico. C'est un bœuf qui ne sait pas un mot de français, et qui est assez épais pour ne me pas connaître. Mais ce n'est pas à lui que j'écris, c'est au cardinal Passionei, homme de beaucoup d'esprit, homme de lettres, et qui fait de Rezzonico le cas qu'il doit. Il y a longtemps qu'il m'honore de ses bontés. Je ne demande à mr le duc de Choiseul rien autre chose sinon qu'il ait la bonté de faire donner cours à mon paquet. La grâce est légère, mais je la demande très instamment. Monsieur le comte de Choiseul, protégez moi dans cette importante négociation.

Je demande 3 ridicules à Rezzonico, qu'il m'en accorde un cela me suffira, et s'il me refuse, il n'y a rien de perdu, pas même mon crédit en cour de Rome.

Comment, mes procès terminés! Dieu m'en préserve! Il faut que mad. Denis vous ait parlé de quelques ancien procès. Mais pour peu que dans ce monde on ait un champ et un pré, ou qu'on fasse bâtir une église, ou qu'on fasse une ode comme mr le Brun on est en guerre. Mais je ne sais point de plus sotte guerre que celle qu'on a faite aux Anglais sans avoir cent vaisseaux de ligne, et quarante mille hommes de marine.

Divins anges si l'abbé Coyer parle comme il écrit il doit être fort aimable. Mais ma mère qui avait vu Despréaux disait que c'était un bon livre et un sot homme.

La nièce, la pupille et l'oncle baisent le bout de vos ailes.

Pour dieu que mon paquet parte, c'est tout ce que je veux, et point de recommandation. Je veux bien être ridicule mais je ne veux pas que mes protecteurs le soient. Priez mr le comte de Choiseul de faire mettre mon paquet romain à la poste par un de ses laquais. C'est assez pour Rezzonico et pour moi.