Ferney 8 juillet 1761
Vraiment je prenais bien mon temps pour écrire au Cardinal Passionei.
Il est mort ou autant vaut, et à moins qu'il ne m'envoye de ses reliques je n'en aurait point. J'ay peur àprésent que mon paquet ne soit party. Je m'abandonne à la Providence.
Pour me dépiquer mes chers anges je vous enverrai incessamment Zulime. Je me suis raccomodé avec elle comme vous savez, mais je suis toujours brouillé avec Pierre le cruel.
C'est avec un plaisir extrême que je commente Corneille. Je ne donnerai de nottes que sur les pièces qui restent de luy au téâtre; et j'ose croire que ces notes ne seront pas inutiles. En vérité cet homme là me fera faire encor une tragédie. Il me semble que je commence à connaître l'art en étudiant mon maître à fonds.
Je ne sçais comment vont les souscriptions mais je travaille à bon compte. Pouriez vous avoir la bonté de me dire si Duclos est revenu? Je luy crois un zèle actif qui me va comme de cire.
Et Oreste que devient il? est il fondu par les chaleurs? M. le comte de Lauraguais me dédie le sien, et il est encor plus grec, encor plus déclamateur que le mien. Omer est un grand cuistre, mais Corneille est un grand homme.
Oncle, nièce et pupille hommage aux anges.
V.