à Ferney du 10 8bre 1761
Les ermites de Ferney présentent leurs hommages aux hôpitaux de Versailles.
Nous n'avons jamais si bien mérité le nom d'ermites. J'ai cédé depuis deux mois les Délices à mr le duc de Villars. J'ai eu quelque temps mr le cte de Lauraguais et à présent je suis tout à Corneille. L'entreprise est délicate, il s'agit d'avoir raison sur trente-deux pièces, aussi je consulte l'académie toutes les postes et je soumets toujours mon opinion à la sienne. J'espère qu'avec cette précaution, l'ouvrage sera utile aux Français et aux étrangers. Il faut se donner le plus d'occupation que l'on peut pour se rendre la vie supportable dans ce monde. Que deviendrait on si on employait son temps à dire, nous avons perdu Pondicheri, les billets royaux perdent soixante pour cent, les particuliers ne payent point, les jésuites font banqueroute? Vous m'avouerez que ces discours seraient fort tristes. Je prends donc mon parti de planter, de bâtir, de commenter Corneille et de tâcher de l'imiter de loin, le tout pour éviter l'oisiveté.
Vous souvenez vous, mon cher ami, que j'eus il y a quelques années une petite discussion avec messieurs les intendants des postes au sujet d'un assez gros paquet que vous m'avez envoyé? J'ai peur qu'ils ne m'aient joué à peu près cette année le même tour dont je me plaignis alors. Je vous envoyai deux paquets il y a quelques mois pour me de Fontaine, vous m'accusâtes la réception de l'un, vous ne m'avez jamais parlé de l'autre, et il est vraisemblable que me de Fontaine n'a reçu aucun des deux. En tout cas il n'y a pas grand mal, car ce n'étaient que des rogatons.
Adieu, nous vous embrassons. Si vous rencontrez quelques dévots dans votre chemin, dites leur que j'ai achevé mon église et que le pape m'a envoyé des reliques, et si vous rencontrez des gens aimables dites leur que j'ai achevé mon théâtre.