1740-06-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Je vous avois prié mon cher amy d'envoyer cinquante francs au chevalier de Mouhi.
Vous me ferez un plaisir extrême de ne pas tarder. Mandez moy si vous avez ou non des nouvelles de M. le duc de Villars et si vous avez reçu les papiers à vous adressez par le coche de Lisle.

Je reçois dans le moment une très fâcheuse nouvelle, les srs Levefre et la Maison, négocians d'Amsterdam, qui ont si mal négocié vos tablaux, ont poussé notre malheur au dernier période. Ils ont fait banqueroute, et je perds avec eux non seulement le peu qui pouvoit revenir toutes charges faittes, de ces pauvres tablaux, mais quatorze cent francs que je leur avois confiez. Il y avoit plus de trois semaines qu'ils ne m'écrivent point. C'est par leurs correspondants de Berlin que j'aprends leur banqueroute. Vous croyez bien mon cher ami que je vous tiendray compte en entier de la somme que devoient ces malheureux négotians. Si on m'a fait banqueroute il ne faut pas que je vous la fasse.

Je vous en prie un petit mot à l'intendant du duc de Villars, que je sache à quoy m'en tenir. Voicy une année malheureuse pour moy, mais il faut savoir soufrir. Nous sommez nez pour cela; je vous embrasse.

V.