1761-08-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Ose t'on parler encor de vers et de prose à Paris mes divins anges?
Les chaleurs et les malheurs ne font ils pas un tort horrible et tripot?

Je travaille, le jour à Corneille et la nuit à don Pedre.

Nous souscriptions pouraient bien se rallentir. Sans la prise de Ponticheri ou Pondicheri je ferais tout à mes dépends.

Je vous ay envoyé les remarques sur les Horaces. Voicy la préface en forme d'épitre dédicatoire à l'académie. Je la mets sous vos ailes, et vous daignerez la recommander à Duclos quand vous l'aurez lue. Il est bon que tout ait la sanction de quarante personnes mais j'aurai plutôt achevé tout l'ouvrage que l'académie aura lu trente de mes remarques. Un membre va vite, les corps ont peine à se remuer. Dites moy net je vous prie combien vos amis retiennent d'exemplaires. Tout Corneille commenté en 5 ou 6 volumes, in 4., c'est marché donné pour deux louis.

Sans le roy et quelques princes on ne pourait donner les exemplaires à ce prix.

J'ay un autre placet contre Lambertà vous présenter. Je n'avais pas eu encor le temps de lire son Tancrede. Il s'est plu à me rendre ridicule. Jugez en par cet échantillon. Que faire? Cela est dur. Mais Ponticheri est pis ou pire.

Mes divins anges que la campagne est belle! Vous ne connaissez pas ce plaisir là? Et les yeux? J'écris, moy; et vous?