au château de Fernei par Geneve, 13 auguste [1761]
Je vous supplie, monsieur, vous et l'Académie de prendre bien à cœur Pierre Corneille et Marie Corneille.
Il sera peut-être bien ennuyeux de lire mes notes sur les Horaces; mais, avec un Corneille à la main, le plaisir de lire le texte l'emportera sur le dégoût des notes. Ne faites aucune attention à l'orthographe. Songez que nous sommes Suisses. On écrit comme on peut et on corrigera le tout à l'impression. Trois ou quatre séances pourront amuser l'Académie et m'éclaireront beaucoup. Si vous avez le courage d'examiner mon travail, je vous enverrai tous mes commentaires les uns après les autres.
Il me paraît que dans l'Europe on approuve assez mon entreprise. Il faut bien que nous ayons quelque gloire. Pierre nous en donnera, si l'Académie veut bien donner sa sanction aux remarques. Elles sont faites pour les étrangers, et peut-être pour beaucoup de Français.
Je vous demande en grâce de me renvoyer la préface sur le Cid, et les notes sur Horace avec un petit mot au bas, qui marque le sentiment de l'Académie. Dès que vous aurez eu la bonté, monsieur, de me renvoyer ces cahiers, je vous dépêcherai le Cid.
A l'égard des souscriptions, elles iront comme elles pourront. Je travaillerai à bon compte, et, s'il le faut, je ferai imprimer à mes dépens. Je crois travailler pour l'honneur de la littérature française; j'attends de l'Académie des lumières et de la protection.
Adieu, monsieur; je compte sur votre zèle et sur votre bonté plus que sur tout le reste.
V.