1760-02-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

J'ai L'honneur de vous donner avis que Mr D'Epinay fermier Général, a parlé fortement à ses confrères, au sujet du païs de Gex, et de la nécessité indispensable de s'accommoder avec la province, pour le sel et pour la supression des Bureaux.
On me mande que l'affaire est en très bon train; vous la finirez de la manière que vous jugerez la plus convenable. Peut être n'est-il pas mal qu'on tienne en haleine la compagnie qui se présente, parce qu'il se pourait bien faire que mr le contrôleur général accepta les cent mille Ecus pour le roy, dans la disette où l'on est d'argent, en abandonnant d'ailleurs aux fermiers généraux 15000£ sur le prix général de leur Bail. Il y a cent manières de tourner la chose, mais la plus sûre sera de s'aboucher avec mr D'Epinai, qui probablement viendra traitter avec vous.

Je suis obligé de faire déclarer sous serment, par mes voituriers de Ferney, et par les témoins de Mollis, boucher, et par Soubairan, cabaretier, que les dits voituriers étaient en règle et n'avaient point passé le bureau de Saconey, quand on nous fit l'avanie, à ma nièce et à moi, de saisir nos bléds. Mr L'Intendant nous a mandé que nos voituriers n'étaient pas en règle. Nous devons prouver qu'ils y étaient, et si mr L'Intendt par quelque motif, que je ne puis concevoir, ne nous rendait pas la justice qui nous est düe, malgré la protection de mr le Duc de Choiseuil et de mr le contrôleur général, nous serions obligés de nous adresser au roy. Mais nous espérons que la bonté et l'Equité de Mr Defleury, ne nous réduira pas à cette nécessité.

J'ay l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire