1767-04-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Jacques Élie de Beaumont.

Je reçois, mon cher Cicéron, vôtre Lettre non dattée avec le procez verbal de la célèbre servante.
Je vais répondre à tous vos articles.

Je ne crois point du tout qu'il m'apartienne de parler dans ma Lettre de la conduite du parlement de Toulouse. J'ai voulu, et j'ai dû me borner aux faits dont je suis témoin. C'est à vous qu'il sied bien de faire voir l'outrage que le parlement de Toulouse a fait au conseil en refusant d'exécuter son arrêt. Ce que vous en dites est d'autant plus fort que vous l'avez dit avec le ménagement convenable. Le conseil a senti tout ce que vous n'avez pas exprimé. Il y a des cas où l'on doit plus faire entendre qu'on en dit, et c'est un des grands mérites de vôtre mémoire. C'est ce qui poura surtout ramener mr d'Aguesseau qui n'aime pas l'éloquence violente.

J'ai eu mes raisons dans tout ce que je vous ai écrit. Si j'ai le bonheur de vous tenir à Ferney vous aprendrez à connaître mes voisins. La grandeur d'âme est dans le païs conquis autrefois par Gengis Kan.

Je ne peux faire signer vôtre mémoire par les Sirven, que quand il me sera parvenu. Je vous ai déjà mandé que toute communication était interrompue entre Lyon et mon malheureux païs.

Si vous trouvez que ma Lettre puisse être bien reçue du public telle que je l'ai envoiée en dernier lieu à mr d'Amilaville, ôtez les mots consigné entre vos mains, et mettez, l'argent qu'on leur offrait pour leurs honoraires. Mettez, le conseil de Berne au lieu de Berne; le conseil de Geneve, au lieu de Genève, et tout sera dans la plus grande éxactitude. Il faut rendre à chacun selon ses œuvres; et made La Duchesse d'Anville et made De Géoffrin ne doivent pas être frustrées des éloges dues à leur générosité.

Quant à mr Coquelet, il est très sûr qu'il a eu le malheur d'être l'aprobateur de Fréron, c'est être le receleur de Cartouche. Mais on dit qu'il a abdiqué depuis longtemps un emploi si odieux, et si indigne d'un avocat. On m'assure que c'est un nommé d'Albaret qui lui a succédé, et qui a été réformé; si cela est je transporte autentiquement à D'Albaret, et par devant notaire s'il le faut l'horreur et le mépris qu'un aprobateur de Fréron mérite. Mais je ne transporterai jamais mon estime et ma tendre amitié pour vous à qui que ce soit dans le monde. Je vous garde ces deux sentiments pour jamais.