1767-04-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques Lacombe.

Je reçois, Monsieur, par la poste votre paquet et votre lettre mais pour le ballot qui est à Lyon je ne le recevrai probablement de six mois.
Je vous renvois trois ou quatre pages de votre exemplaire en vous supliant très instamment de faire les cartons nécessaires indiqués dans ces pages. Ces cartons sont indispensables si on veut reprendre la pièce après pâques. Il n'est pas juste qu'en vous donnant tant de peine il vous en coûte encor six cent livres pour le présent que je voulais faire à Mr le Kain. Je me charge de lui faire donner cent écus par mon banquier, et je vous prie de l'en prévenir en lui donnant les cent autres écus. C'est un arrangement auquel je vous prie de tout mon cœur de vous prêter. Si vous faites un profit honnête sur votre édition vous me fairés plaisir de donner pour environ deux cent francs de livres classiques à un jeune homme dont je prends soin.

Si vous faites une seconde édition je vous fournirai cinq ou six fois plus de changements que je ne vous en envoi aujourd'hui.

A l'égard de Mr Coquelet s'il a aprouvé les infamies de Fréron au sujet des Calas, il est très coupable et je ne lui pardonnerai de ma vie, fût-il le frère du chancelier. Il m'importe peu qu'il soit parent du procureur général. Ce magistrat a dû lui dire qu'un avocat se déshonore en étant le receleur de Cartouche. Si Mr Coquelet n'est pas coupable, j'ai tort et je lui demande pardon, et je fais un transport légal de cet opprobre au misérable, quel qu'il puisse être, qui se déshonore assez pour être l'aprobation d'un Freron.

Vous me dites que la foudre va tomber. C'est apparemment sur Freron. Monsieur le comte d'Argental m'a fait plaisir en m'aprenant combien vous méprisez ce coquin. Je ne savais pas que vous le connussiez.

Je compte sur votre amitié et vous pouvez être bien sûr de la mienne.

V.