Messieurs,
Quoy que j'apartienne à deux Grands Rois, Aux quels je suis attaché, et par les devoirs et par la reconoissance que je dois à leur bienfaits, j'ay crû pouvoir rendre un hommage solemnel à vôtre Gouvernement, que j'ay toujours admiré, Et dont je n'ay cessé de faire l'éloge; je demande à vos EE: la permission de leur dédier une tragédie quy à esté reprézentée avec quelque succez sur le théâtre de Paris; j'ay crû que de ne pouvoir choisir de plus dignes Protecteurs d'un ouvrages, où j'ay peint le Sénat de Rome que vos Excellences.
Ce n'est pas la grandeur des Empires quy fait le mérite des hommes. Il y a eu dans l'areopage D'Athenes des hommes aussy respectables que les sénateurs Romains, Et il y a dans le Conseil de Berne des Magistrats aussy vertueux, et aussy éclairés que dans celuy d'Athenes.
J'attends vos ordres Messieurs pour avoir l'honneur de vous prézenter un tribut, que j'ay crû ne devoir qu'à vous. Un ouvrage où l'amour de la liberté triomphe, ne doit estre dédié qu'aux plus vertueux Protecteurs de cette liberté si précieuze.
Je suis avec Respect
Messieurs
de vos Excellences,
Le très humble Et très obéissant serviteur
de Voltaire
Gentilhomme de la chambre du roy de France
Et Chambellan du Roy de Prusse
Au Château Roial de Postdame ce 8e 9bre 1752