à Ferney, par Genêve 22 Décembre 1766
Madame,
Que vôtre Majesté Impériale me pardonne.
Non, vous n'êtes point l'aurore boréale, vous êtes assurément l'astre le plus brillant du nord, et il n'y en a jamais eu d'aussi bienfaisant que vous. Andromède, Persée et Calisthe ne vous valent pas. Tous ces astres là auraient laissé Diderot mourir de faim. Il a été persécuté dans sa patrie, et vos bienfaits viennent l'y chercher. Louïs 14 avait moins de magnificence que vôtre Majesté. Il récompensa le mérite dans les païs étrangers, mais on lui indiquait ce mérite; vous le cherchez, Madame, et vous le trouvez. Vos soins généreux pour établir la liberté de conscience en Pologne, sont un bienfait que le genre humain doit célébrer, et j'ambitione bien d'oser parler au nom du genre humain, si ma voix peut encor se faire entendre.
En attendant, Madame, permettez moi de publier ce que vous avez daigné m'écrire au sujet de L'archevêque de Novogorod, et sur la Tolérance. Ce que vous écrivez est un monument de vôtre gloire. Nous sommes trois, Diderot, D'Alembert et moi, qui vous dressons des autels. Vous me rendez païen. Je suis avec idolâtrie
Madame
aux pieds de vôtre Majesté
Mieux qu'avec un profond respect
Le prêtre de votre temple
Voltaire