1766-09-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à George Keate.

Je n'ai reçu, Monsieur, que depuis peu de jours vos beaux vers sur la mort de Madlle Ciber.
Ils m'ont fait tant de plaisir que si j'étais mort je vous prierais d'en faire autant pour moi; mais je vous assure que j'aime encor mieux recevoir vos ouvrages dans ce monde cy que dans l'autre. Vous êtes bien heureux de vous occuper des charmes de la poësie, tandis que la pluspart de vos compatriotes ne se livrent qu'à l'esprit de parti; les muses consolent l'âme, et les querelles l'affligent.

Genêve est autant qu'elle peut le Gille de L'Angleterre; elle cherche à l'imiter comme la grenouille voulait ressembler au Taureau. Ses querelles sont petites et longues; les Anglais auraient pris toute L'Amérique en moins de temps qu'il n'en faut pour concilier les Genevois.

Adieu, Monsieur, j'aurai bientôt besoin d'une épitaphe; je me recommande à vous. V: t: h: o: sr.

V.