4 février 1766
Je renvoie à mes divins anges le mémoire de M. de la Voute pour les comédiens.
Je les supplie très humblement de trouver que j'ai raison parce que je crois avoir raison, mais s'ils me condamnent, je croirai que j'ay tort. La tournure que vous avez prise est très habile. La déclaration du Roy sera un bouclier contre la prétraille. Elle sera enregistrée, et quand les cuistres refuseront la sépulture à un citoien pensionaire du Roy, on leur lâchera le parlement. Ne vous ai-je pas mandé que ma Catherine vient de chasser les capucins pour n'avoir pas voulu enterrer un violon français?
Vous êtes donc de très bons politiques, vous auriez donc arrangé les genevois en vous jouant? On dit M. le chevalier de Beauteville malade. Il peut se donner tout le temps de raffermir sa santé. Rien ne presse. Il n'y a pas eu une patte de froissée dans la guerre des rats et des grenouilles. Mr Cromelin est un peu ardent. On aurait dit que le feu était aux quatre coins de Geneve. Comptez que les médiateurs se mettront à pouffer de rire quand ils verront de quoy il s'agit. On a trompé Monsieur le duc, on l'a engagé à précipiter ses démarches. Les Zurikois qui n'aiment pas à dépenser leur argent inutilement commencent à murmurer qu'on les envoye chercher pour une querelle d'auteur, car c'est là l'unique fonds de la noise. Si je ne m'occupais pas tout entier de l'affaire des Sirven qui est plus sérieuse, je ferais un petit lutrin de la querelle de Geneve. J'ai vu l'esquisse du mémoire d'Elie de Beaumont. Je me flatte qu'il fera un très grand effet, et que nous obtiendrons un arrest d'attribution. Vous nous protégerez mes chers anges. Il est bon d'écrazer deux fois le fanatisme, c'est un monstre qui lève toujours la tête. J'ay dans la mienne de soulever l'Europe pour les Sirven. Vous m'aiderez.
Respect et tendresse.
V.