aux Délices 12 avril [1760]
Je ne suis pas mon cher monsieur, bien impatient du paquet dont vous avez eu la bonté de vous charger pour moy.
Vous pourez le donner à mr Cromelin, vous pourez l'envoyer à mr Camp, vous pouriez même le faire contresigner en deux ou trois subdivisions et le faire partir par la poste quand vous aurez eu occasion de le faire contresigner. Mr Bouret me rend quelquefois ce service. Enfin vous ferez comme vous pourez, rien ne presse. Si vous faittes un tour dans votre patrie, vous trouverez les Délices un peu augmentées. Je m'aperçus quand mr de Chauvelin y vint, que je n'avais pas assez de logement. Je fais de petits nids à rats où du moins on poura loger, et où j'auray de plus une bibliotèque. Tout sera de plein pied. Mais dieu veuille que ma destinée ne me joue pas encor le tour de m'envoyer à Manheim quand vous viendrez à Geneve.
Je serai aussi aise qu'étonné si nous avons la paix cette année. Les Anglais pour préliminaires nous prennent toujours quelque vaissau. Je crois en vérité n'avoir pas fait assez de provisions de sucre et de caffé. Il faut se nantir de tout pour des années quand on est en guerre avec l'Angleterre. Les Gaulois ne sont pas marins. Sauve qui peut: c'est depuis quelque temps notre devise. La mienne est de vous être tendrement attaché pour toutte ma vie.
V.
A propos je crois qu'il faut 33lt ou 34 à cette madame des Aivelles pr les rogatons de ces cuistres. Si elle s'adresse à vous voulez vous bien luy procurer ce petit remboursement?