1756-12-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

En réponse à votre lettre du 5 mon cher monsieur je vous supplierai premièrement de vouloir bien faire en sorte que notre cher Esculape reçoive notre galanterie pour ses étrennes.

A L'égard nos petites provisions je crois que l'on ne saurait trop avoir de celles qui sont de garde. Je ne sçais pas ce que contient la balle de sucre. Mais je sçai que nous en consumons six cent livres au moins par an, et qu'on peut fort bien dans la guerre présente en posséder quinze cent livres sans risquer baucoup.

L'objet de mes fonds est plus intéressant. J'accepte de grand cœur la proposition que vous me faittes mon cher correspondant de vous en charger à 4 pour 100. Il me semble par votre lettre que vous commenceriez à me payer sur ce pied du 1er octobre dernier. Ainsi vous pouriez àprésent m'envoier le précis de mon compte, afin que je voye ce qui me reste de capital entre vos mains, toutte charge déduitte et tous frais payez. J'aurai incessamment quelque argent à vous remettre. La somme ira à seize mille livres ou environ. Ce sera pour le courant aussi bien que les autres petites sommes qui pouront arriver. Vous pouriez donc toujours garder environ 20000lt pour les dépenses, et disposer de tout le reste à votre gré. J'imagine par exemple que vous avez plus de 400000lt à moy. Ce fonds avec le produit sera un capital en réserve, et s'il arrive que je sois obligé de prendre sur ce fonds quelque somme considérable comme de 50 à 60 m. Livres il faudra vous avertir trois mois à l'avance. Mais si ce n'était qu'une somme légère de 3 à 4 mille L. je pourais La demander sur le champ au besoin, et vous la défalqueriez ou je vous la rembourserais à votre choix. Il me paraît mon cher monsieur que j'entre dans vos vües. Mandez moy si j'ay rencontré juste.

Je souhaitte mais je n'espère pas le prompt rétablissement de touttes vos manufactures de Lyon.

Qui aurait dit qu'un marquis de Brandebourg, aurait renvoyé d'un seul coup un roy de Pologne sur la Vistule, et fait douze mille mandiants sur le Rhone? Me Denis et moy nous vous faisons mille compliments aussi bien qu'à mr Camp.