à Potsdam ce samedy 21 [November 1750]
Votre procureur madame porta hier votre lettre au roy, et L'acompagna d'un petit mémoire qu'il avoit dressé.
On avoit déjà rendu compte à Sa majesté de votre affaire. Il me dit que l'on trouvoit les plus grandes difficultez à vous prêter les 300000 écus, que d'ailleurs les états ne prétoient que sur un fonds d'amortissement avec lequel on remboursoit le capital dans un certain nombre d'années. Il entra dans vos peines, et il fit paraitre un cœur aussi bienfaisant que son esprit est éclairé. Il tourna votre affaire de touttes les façons, et touttes tendoient à vous obliger. Il me fit l'honneur de m'en parler plus d'une demie heure. Il conclut que puisque les états veulent un fonds d'amortissement, il seroit plus utile et plus prompt pour vous de vendre vos terres situées en Ostfrise, et de vous servir de cet argent pour vous libérer. Il chercha même long-temps à qui ces terres pouroient convenir. Ensuitte dans la crainte qu'elles ne fussent substituées ou que les procédures faittes contre vous n'écartassent les acquéreurs, il songea qu'on pouvoit les abandonner à mr de Benting et vous faire par luy rembourser du surplus. En ce cas il s'offrit de faire dresser un projet d'accomodement, et de le faire communiquer à la Haye. Songez y madame. Ce seroit peutêtre la manière la plus sûre et la plus convenable de finir tout honorablement et de vous rendre tranquile pour le reste de vos jours. Je crois que rien ne sera plus glorieux pour vous, et j'ose dire que le roy me parait très disposé à vous rendre ce service. Aureste il est nécessaire que j'aye l'honneur de vous entretenir, j'espère être à Berlin lundy. J'envisage avec tristesse et avec crainte, mon prochain départ de ce pays cy, et je voudrais au moins avoir la consolation de vous avoir servie, avant d'éprouver la douleur de vous quitter; adieu madame, vous ne m'aurez donc inspiré que des regrets. Comptez sur mon tendre et respectueux attachement.
V.