1762-09-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Ah, ah, mon frère, on croit donc que je veux immoler Corneille sur l'autel que je lui dresse! Il est vrai que je respecte la vérité beaucoup plus que Pierre, mais lisez, et renvoyez moi ces cahiers, après les avoir fait lire à frère Platon.

J'attends la prophétie d'Elie Beaumont qui fera condamner les juges iniques comme l'autre Elie fit condamner les prêtres de Baal. Nous prions, mon cher frère, de dire au second Elie que cent mille hommes le loueront, le béniront, et le remercieront.

Nous envoyons au cher frère la belle lettre de J. J. Rousseau au cuistre de Môtiers-Travers: on peut juger de la conduite noble et conséquente de ce J. J. Ne trouvez vous pas que voilà une belle fin? Je mourrai avec le chagrin d'avoir vu la philosophie trahie par les philosophes et des hommes qui pouvaient éclairer le monde, s'ils avaient été réunis. Mais, mon cher frère, malgré la trahison de Judas les apôtres persévérèrent.

On cherche à connaître quel est l'auteur d'un libelle, intitulé: les Erreurs de Voltaire, imprimé à Avignon. On prétend que c'est un jésuite; son livre contient en effet beaucoup d'erreurs, mais ce sont les siennes. Cela est tout à fait jésuitique; c'est un tissu de sottises et d'injures: le tout pour la plus grande gloire de dieu. Il est bon de lui donner sur les oreilles. M. Diderot est prié de savoir le nom du porteur d'oreilles.

Les farceurs de Paris joueront le droit du seigneur quand ils voudront, mais ils n'auront Cassandre que quand ils auront satisfait à ce devoir.

Je désire chrétiennement que le testament du curé se multiplie comme les cinq pains, et nourrisse les âmes de quatre à cinq mille hommes; car j'ai plus que jamais l'infâme en horreur, et j'aime plus que jamais mon frère.