28 juillet 1766
J'ai reçu toutes vos lettres, mon cher ami.
Je suis toujours dans le même état, à la même place et dans la même résolution. Il y a un homme puissant dans l'Europe qui est aussi indigné que nous. Voici le moment de prendre un parti, pour peu qu'on trouve des âmes fortes et courageuses qui nous secondent.
J'ai dévoré le mémoire et je me flatte qu'il sera bientôt public. Notre ami Elie l'aurait fait plus éloquent. Ce mémoire devait être un beau commentaire sur le livre des délits et des peines. On dit que ce commentaire paraître bientôt; mais l'ignorant doit rentrer dans sa coquille, et ne se montrer de plus de six mois. Je crois vous avoir déjà dit quelque chose du lièvre qui craignait qu'on ne prît ses oreilles pour des cornes.
J'ai relu tous les détails que vous m'avez écrits. Vous jugez de l'impression qu'ils ont faite sur moi. Que ne puis je être avec vous, et vous ouvrir mon cœur!
Si le Platon moderne voulait, il jouerait un bien plus grand rôle que l'ancien Platon. Je suis persuadé encore une fois qu'on pourrait changer la face des choses. Ce serait d'ailleurs un amusement pour vous et pour lui de faire une nouvelle édition de ce grand recueil des sciences et des arts, de réduire à quatre lignes les ridicules déclamations des Cahusac et de tant d'autres, de fortifier tant de bons articles et de ne plus laisser la vérité captive. Il y a un volume de planches dont on pourrait très bien se passer. En un mot, en réduisant l'ouvrage je suis certain qu'il vous vaudrait cent mille écus. Mais comme on l'a dit, il faut vouloir, et on ne veut pas assez.
On vous supplie de donner cours aux incluses.