1er juillet 1766
Vous n'êtes pas, monsieur, comme ces voyageurs qui viennent à Genève et à Ferney pour m'oublier ensuite et être oubliés.
Vous êtes venu en vrai philosophe, en homme qui a l'esprit éclairé et un cœur bienfaisant. Vous vous êtes fait un ami d'un homme qui a renoncé au monde: j'ai senti tout ce que vous valez; vous m'avez laissé bien des regrets. Comptez, monsieur, que votre souvenir est la plus douce de mes consolations.
Je vous suis trés obligé de ces Ruines de la Grèce. Je crois qu'on est actuellement à Paris dans les ruines du bon goût et quelquefois dans celles du bon sens; mais de bons esprits tels que vous et vos amis soutiendront toujours l'honneur de la nation. Il est vrai qu'ils seront en petit nombre, mais à la longue le petit nombre gouverne le grand.
J'ai vu depuis peu un ouvrage posthume de m. Fréret, secrétaire de l'Académie des belles lettres. Ce livre mérite d'entrer dans votre bibliothèque. Il ne paraît pas fait pour être lu de tout le monde, mais il y a d'excellentes recherches, et si l'on y trouve quelque chose de dangereux, vous en savez assez pour le réfuter. J'aurai l'honneur de vous l'envoyer par la diligence de Lyon à l'adresse qu'il vous plaira de m'indiquer.
Made Denis est très touchée de votre souvenir. Agréez, monsieur, mes tendres respects que je vous présente du fond de mon cœur.
P. S. Si vous aimez Henry 4, comme je n'en doute pas, je vous exhorte à lire la justification du président de Thou contre le sr de Bury, auteur d'une nouvelle vie de Henry 4.