au château de Ferney par Genêve 3e Juin 1766
Ce n'est pas, Monsieur, une santé dérangée qui m'a empêché d'avoir l'honneur de vous répondre aussitôt que je l'aurais voulu; c'est une maladie qui a été très violente, et qui est la suitte de ma viéillesse.
Je ne suis guères en état de juger d'une pièce de théâtre. Vous paraissez avoir d'ailleurs trop d'esprit et de lumières, et vous avez trop consulté les bons modèles pour avoir besoin d'un autre juge que de vous même. Quand vous aurez laissé quelque temps reposé vôtre ouvrage, et que vous le regarderez avec des yeux frais personne n'en portera un jugement plus sûr que vous.
Pardonnez à un vieux malade qui dans l'état où il est ne peut entrer dans de plus grands détails.
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, Vôtre très humble et très obéïssant serviteur
Voltaire