à Ferney 28e May 1766
Voicy le temps, mon cher ami, où j'éprouve les regrêts les plus vifs.
Mon cœur me dit que je devrais être à Schwetzingen aux pieds de Leurs Altesses Electorales, et tantôt aller voir vôtre belle bibliothèque, tantôt vôtre cabinet d'Histoire naturelle. Mais il y a deux ans que je ne sors plus de ma chambre, et c'est beaucoup que je sorte de mon lit. La fin de ma vie est douloureuse, ma consolation est dans les bontés de Monseigneur L'Electeur, dont je me flatterai jusqu'au dernier moment.
Il y a longtemps que vous ne m'avez écrit. Vôtre bonheur est apparement si uniforme, que vous n'avez rien à m'en apprendre de nouveau. Vôtre cour est gaïe et tranquille. Il n'en est pas demême à Genêve. Vôtre auguste maître sait rendre ses sujets heureux, et les Genevois ne savent pas l'être; il est plaisant qu'il faille trois puissances pour les accomoder au sujet d'une querelle d'auteur. Leurs tracasseries m'ont amusé d'abord, et ont fini par m'ennuier.
Adieu, mon cher ami, portez vous mieux que moi, et aimez moi.
V.