1759-03-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à department of finance of the Palatinate.

Lorsque j'eus l'honneur de placer 130000£ argent de France sur les caisses de son altesse Sérénissime Electorale, elle eut la bonté de vouloir bien permettre que je fusse toujours paié des arrérage en argent de France, et Mr le Baron de Bekers en conséquence m'a toujours fait toucher mon revenu aux termes acoutumez du 1er juillet et du 1er Janvier sans aucune diminution; et par les dernières Lettres que j'eus l'honneur de recevoir de lui avant son départ pour Paris, il daigna me confirmer les intentions de son Altesse Electorale, et m'assurer que je serais toujours payé sans supporter aucun frais de change, de différence d'espèces, ni de retardement de la part des Banquiers.

C'est sur ce pied que j'ai toujours été payé, et c'est ainsi qu'en use avec moi la chambre des finances de Monseigneur le Duc de Virtemberg qui a daigné passer avec moi la même transaction.

Cette bonté de son altesse Se Electorale Monseigneur L'Electeur Palatin est d'autant plus juste que quand je donnai mon capital de 130000 £ je supportai tous les frais du change, et de la remise, et au lieu de débourser cent trente mille Livres, je payai 130389£ 8, comme il est porté sur les régistres des Banquiers de Lyon J: R: Tronchin et Camp, et comme ils me l'ont porté en compte le 12 aoust 1757, ce qui est aisé à vérifier, et ce que je certifie. Outre ces 130389£ il faut compter la commission ordinaire qui est un 1/2 pour % 652£. Ainsi je déboursai de capital 131041£ 18s.

C'est donc en vertu de ce déboursé de 1041£18s de Capital par delà la somme principale de 130000£ stipulée, que je suis fondé à demander à la chambre des finances, qu'elle veuille bien supporter les frais du païement de mon revenu, comme j'ai supporté les frais du paiement du Capital.

Je ne suis pas moins fondé en vertu de la bonté et de l'équité de S: A: S: E: et des promesses positives de Mr le Baron de Bekers.

Je n'ai rien reçu de trop l'année passé, parce qu'étant à la cour de S: A: S: E: je fus payé en Louïs d'or au cours du jour; ce fut Mr le Baron de Bekers qui eut la bonté, et la politesse de m'apporter cet argent lui même. Il n'y a pas d'apparence qu'il se soit trompé, ni que j'aïe voulu recevoir plus qu'il ne m'est dû.

Au terme échu cette année 1759 au 1er janvier, j'ai eu besoin d'argent, et en conséquence des Lettres de Mr le Baron de Bekers, j'ai pris la demie année échue, chez Bontemps, Banquier de Genêve, correspondant de Finguerlin et Stolzemberg à Francfort. Le Sr Bontemps m'a compté 6500£ de France, le 13 janvier, et les dits Finguerlin et Stolzemberg ne les ont point payez. Le banquier Bontemps éxige les intérêts de cette somme par lui avancée; et aujourd'hui il m'envoye un compte de 6672£ 5 s., compte qui augmentera tous les jours, si messieurs de la chambre des finances, n'ordonnent aux banquiers de Francfort de payer les 6672 £ 5s argent de France au banquier Bontemps de Genêve.

Je ne doute pas que ma requête très claire, et très juste ne soit favorablement écoutée, et je supplie Messieurs de la chambre d'avoir la bonté d'ordonner qu'à l'avenir je sois payé de six mois en six mois sans frais de la somme de 6500£ de France aux termes ordonnés de 1er juillet et premier Janvier, et en conséquence je donne icy ma quittance.

J'ai reçu de Mr Bontemps, banquier de Genêve, la somme de 6500£ de France, à la décharge de la chambre des finances de S: A: S: Monseigr l'Electeur Palatin pour les derniers six mois de l'année 1758, de la rente de 130000£ argent de France, que Monseigneur L'Electeur a bien voulû me constituer.

Voltaire