1757-06-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Baron Heinrich Anton von Beckers.

Monsieur,

En conséquence des bontez de Son Altesse Electorale et des vôtres et de votre lettre du 27 may je donne commission à mr Tronchin, banquier de Lyon, de remettre cent trente mille livres de France au cours du jour à Francfort à votre ordre dans le courant du mois de juin où nous sommes.

Il ne me reste Monsieur qu'à remercier votre excellence de tous ses bons offices et à me féliciter d'un engagement qui m'attache encor plus particulièrement à votre cour et à votre personne. Je regarde comme un devoir de venir me mettre aux pieds de Son Altesse Electorale, et de luy renouveller les sentiments de la reconnaissance et du respect qui m'ont attaché à elle depuis longtemps, et certainement je ne manquerai pas de remplir ce devoir si ma déplorable santé me donne quelque relâche.

Je vous renvoie Monsieur selon vos ordres votre projet de l'acte. Je n'ay rien à y ajouter que de nouvaux remerciements.

Je vous prierai seulement Monsieur de vouloir bien observer une petite note qui ne regarde que les mutations autrefois trop fréquentes dans les monoyes de France et qui peuvent arriver encore. Peutêtre votre Excellence jugera t'elle comme moy qu'il faut obvier à ces changements qui entraînent toujours des difficultez. Si la valeur numéraire baissait vous paieriez réellement plus que vous ne devez, si elle haussait, vous paieriez moins. L'un et l'autre sont également injustes, mais en stipulant un payement toujours égal suivant la valeur présente du capital on remédie à tous les inconvénients et il n'y a jamais de discussion. Je me flatte que votre excellence daignera aprouver ce party que je soumets à ses lumières.

Je me hâte de luy présenter les sentiments respectueux de l'attachement avec lequel je serai toutte ma vie

Monsieur

de votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire