1759-01-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Baron Heinrich Anton von Beckers.

Monsieur,

J'ay reçu l'honneur de votre lettre. Les huit mois de retardement me font baucoup de peine. Ils ne prouvent rien d'agréable. Tout a bien mal tourné. Je vous ay une extrême obligation Monsieur de ne point retarder pour moy l'effet des bontez de son Altesse Electorale. J'en ay d'autant plus de besoin que je suis obligé de rétablir entièrement la comté de Tournay dont j'ay fait l'acquisition dans mon voisinage des Délices; et qu'on commence toujours par se ruiner dans une terre, avant d'en pouvoir tirer le moindre avantage. Votre Excellence doit être instruitte qu'il en coûtera quelques florins pr le change. C'est une petite charge que Monseigneur L'Electeur a bien voulu supporter. Je compte incessamment avoir l'honneur d'envoier à votre Excellence mon reçu pr les six derniers mois de l'année 1758. Vous n'ignorez pas que mon capital fut envoyé à Francfort dès le mois de novembre lors que j'eus l'honneur de contracter. Par conséquent ce serait en novembre qu'aurait dû commencer mon année. Mais la facilité des payements et L'ordre naturel ont semblé demander que je fusse payé de six mois en six mois au premier janvier, et au premier juillet. Il est vray que la première année je ne reçus des lettres de change qu'en février et que je ne fus payé qu'en mars. Mais je n'en suis que plus reconnaissant de la bonté que veut bien avoir votre excellence de me faire payer au premier janvier de cette année, et de m'avoir fait payer au premier juillet 1758. Je n'avais pas besoin de cette attention obligeante pour vous être particulièrem͞t attaché. Quelques soins que me donnent mes terres, j'espère toujours venir faire ma cour à Schuetzingen. Vous savez combien mon cœur appartient à son altesse Electorale. Je fais mille vœux pour sa prospérité.

J'ay l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux et les plus tendres

Monsieur

de votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire