à Riquewir le 26^e 9^bre 1754

Monsieur!

J'ay L'honneur d'informer très humblement Votre Excellence que quoyque M. de Voltaire, parti de Colmar le ii de ce mois, m'ait marqué le même jour que je pourrai m'addresser à loisir à M. de Turckheim pour le payement des quartiers de sa rente viagère, je viens de recevoir une lettre qu'il m'écrivit de Lion le 17^e du courrant par laquelle il me demande le quartier du mois d'octobre dernier, avec une autre Lettre dudit M. de Turckheim du 23^e de ce mois par la quelle il me donne avis que led^t m. de Voltaire avoit disposé de ce quartier à Lion oû il prétendoit qu'on devoit le luy faire tenir sans frais de même que celui du premier juillet de cette année dont il m'a délivré quittance le 26^e 7bre dernier et dont je suis obligé de payer aud^t M. de Turckheim les Intérêts depuis le 20^e dud^t mois, entre les mains duquel il l'a laissé jusqu'ici nonobstant qu'il m'a pressé pour le payement d'icelui.

Quelque incommode que soit à ma caisse capucine ce payement du quartier échu le p^r octobre d^r lequel j'avois promis de payer successivement aud^t M^r de Voltaire d'ici à La s^t George de L'année prochaine de même que ceux du p^r janvier et p^r avril de ladite année et par conséquent de solder tout compte avec luy pour le passé afin de ne luy rien devoir aud^t terme, ce qui m'auroit mis aussy à même de profiter de la bonne saison pour la vente des Denrées de La s^me seigneurie et de ne rien précipiter à cet égard, je ne vois pourtant pas, Monsieur, que je puisse me dispenser de luy faire àprésent le payement dud^t quartier du mois d'octobre en prenant les arrangements nécessaires à ce sujet avec M^r de Turckheim, d'autant plus que led^t M^r de Voltaire promet par sadite Lettre de ne tirer sur moi à L'avenir que de 6 mois en 6 mois; je ne pense non plus que Votre Excellence trouvera de La difficulté de Lui faire passer à L'endroit où il peut se trouver, ce quartier de même que ceux qui lui seront payés dans la suite aux frais de La s^me seigneurie, c'est à dire de m'autoriser à me charger tousjours de frais de change pour le compte de s: A: s^me Monseigneur le Duc à l'imitation de ce qu'il s'est pratiqué lorsque led^t m^r de Voltaire étoit encor à Berlin. Mais pour ce qui est des 7031^lt 5^s que j'ay payé aud^t M^r de Voltaire le 26^e 7bre dernier pour le quartier du mois de juillet dont je tiens quittance de sa main, j'estime, sauf les dispositions de Votre Excellence, que si led^t m^r de Voltaire a laissé cette somme jusqu'ici entre les mains de M^r de Turckheim, soit à Intérêts oû autrement, ce sont ses affaires et que La s^me seig^rie n'est pas obligée de La luy faire tenir à Lion.

Sur quoy je suplie très humblement Votre Excellence d'avoir la Bonté de m'honorer de ses ordres, si faire se peut, par le premier ordinaire et de me renvoyer en même temps Les Lettres desd. s^rs de Voltaire et de Turckheim que j'ay L'honneur de joindre ici.

Il est certain, Monsieur, que le Payement exacte qu'exige led^t M^r de Voltaire au bout de chaque quartier incommode beaucoup ma recette dans le temps que les Denrées sont à bon marché, car si l'on est obligé de s'en défaire avant la bonne saison qui est le printemps, La s^me seigneurie perd autour de mille Ecus sur le prix d'icelles, chaque année.

J'ay L'honneur d'étre avec le plus profond Respect

Monsieur

De Votre Excellence

Le très humble & trés obéissant serviteur

Flachsland