à Riquewir le 31 8bre 1753
Monsieur,
J'ay L'honneur d'informer très humblement Votre Excellence que sur les nouvelles Représentations faites à Mr de Voltaire le 18e de ce mois au sujet de L'évaluation des Richsdalers, il s'est à la fin déterminé d'accepter ses pensions sur le pied de 3lt 15s la pièçe et m'a donné enconséquence sa quittance pour les quartiers qui étoient échus à la fin du mois de septembre dernier, par laquelle il a réduit les 5850 Richsdalers qui luy étoient dûs en argent de France selon notre Compte sans faire mention de quelle façon les Ecus d'Allemagne ont été évalués, en qualifiant ces pensions de rentes viagères affectées aux Biens de S. A. Sme Monsgr Le Duc, ainsy que Votre Excellence verra par la Copie de ladite quittance que j'ay L'honneur de joindre à ce pli.
Après avoir lû ladite quittance j'ay observé audt Mr de Voltaire que comme selon les ordres qui m'avoient été addressés pour raison de son payement, L'article de 6187lt 10s n'étoit échû que le premier octobre au lieu du dernier septembre et que je n'étois pas authorisé à recevoir sa quittance autrement motivée que selon lesdits ordres qui appelloient ces payements, pensions au lieu de rentes, il convenait de la changer sur ce pied là: à quoy il m'a répondu que le terme de L'Echéance du dernier septembre étoit si peu différent de celui du premier octobre qu'il ne valoit pas La peine de changer cette quittance pour un si petit objet et que ce n'étoit pas pour une pension mais pour une rente viagère qu'il recevoit ces sommes pour lesquelles il ne donneroit jamais d'autres quittances.
Pour éviter toute Difficulté avec ledt Mr de Voltaire à cet égard je luy ay dit que j'aurai L'honneur d'en rendre Compte à Votre Excellence et que si en attendant ses ordres j'acceptois ladite quittance ce sera sous la réserve de son approbation.
C'est pourquoy je suplie très humblement Votre Excellence d'avoir La Bonté de me mander, si je dois me contenter de cette quittance et L'envoyer au sr Lalance contre une Décharge de sa part oû si je dois faire auprès dudt Mr de Voltaire une nouvelle tentative pour la changer, à quoy cependant je pourrois difficilement L'engager.
Pour ce qui est de la passation d'un nouveau Contract relativement à ladite pension, dont j'ay eu L'honneur de parler à Vôtre Excellence dans ma très humble relation du 7 de ce mois, j'ay communiqué audt Mr de Voltaire ce que Votre Excellence m'a ordonnée de luy dire sur ce sujet, lequel m'a donné à entendre que pour finir cet article il auroit L'honneur d'en écrire à S. A. Sme Monseigneur le Duc, dez qu'il sera de retour à Colmar oû il doit être arrivé depuis quelques jours.
Il paroit que ledt Mr de Voltaire veut fixer son séjour dans ce pays ici, pour cet Effet il cherche une maison de Campagne pour y demeurer et il m'a dit que si Le séquestre d'Ostheim, duquel dépend encor Le château d'Horbourg avec ses appartenances, étoit levé, il feroit une proposition à La Sme seigneurie d'y bâtir à ses frais une maison, laquelle après sa mort retomberoit à S. A. Sme à condition qu'Elle ait La Bonté de luy abandonner les matériaux du vieux château consistant en pierres de taille et moilons et de fournir de ses forêts le bois de charpente qu'il auroit nécessaire pour La Construction du nouveau Bâtiment; Mais comme ledt Mr de Voltaire change fort souvent ses projets et que ledt séquestre n'est pas encor Levé, je pense qu'il sera obligé de louer une autre maison pour quelque temps avant que de pouvoir exécuter celuicy.
Je n'ay pas encor pu payer les 6000lt qui sont dûs à mr de Turckheim pour parfaire La somme de 21937lt 10s qu'il étoit chargé de recevoir pour mr de Voltaire et il faudra Luy payer un deux pour cent d'intérêts par mois jusqu'à son payement….
J'ay L'honneur d'être avec le plus profond Respect
De Vôtre Excellence
Le très humble & très obéissant serviteur
Flachsland