aux Delices près de Geneve 4 juin 1737 [1757] par Strasbourg
Monsieur,
Il y a environ un mois que j'eus l'honneur de vous marquer combien j'étais pénétré des bontez de son Altesse Electorale. Je tins prests dès ce moment cent trente mille francs de France aux ordres de votre Excellence que j'ay attendus de jour en jour.
J'ay l'honneur de vous confirmer que mon dessein est d'assurer à ma nièce, madame Denis, un revenu honnête pendant sa vie, plutôt que d'augmenter le mien pour le peu de temps qui reste à ma vieillesse. J'ay demandé qu'on voulût bien luy assurer pendant sa vie huit mille livres de rente pour cent trente mille livres de fonds.
Ce denier n'est guères au dessus du denier cinq qui est celuy des rentes foncières et perpétuelles, et je ne demande pour elle qu'une rente viagère.
Vous avez bien voulu monsieur me marquer que son Altesse Elect daignait avoir la bonté de me donner dix pour cent ma vie durant en faveur de mon âge qui est de soixante et trois ans.
Je seray très content et très reconnaissant de tout ce que son Alt. Ele voudra bien me donner. Le fonds de cent trente mille livres que je tiens prest depuis un mois à Lyon chez le banquier Tronchin me produirait par les bontez de S. A. EL. 13 mille livres de rente pendant ma vie, et ensuitte en produirait huit mille à ma nièce
J'ay marqué à votre excellence que j'ay fait un traitté pareil avec Mg le duc de Virtemberg, mais si vous trouvez monsieur que ce soit trop, je vous prie de retrancher de mon revenu en assurant huit mille livres à ma nièce, de rente viagère.
J'ay un besoin d'autant plus pressant de recevoir vos ordres précis que mon fonds étant à vos ordres depuis un mois, il ne me raporte rien, et je perds un revenu qui m'est nécessaire pour vivre.
Je me conformerai aux ordres que votre Excellence me prescrira, soit qu'elle accepte le fonds de 130 m.lt . Soit qu'elle en veuille un moins fort, soit qu'elle réduise un peu l'intérest, soit qu'elle le donne telle que je l'ay proposé, j'aurai toujours à son altesse Electorale l'obligation d'achever avec sécurité les jours qui me restent à vivre.
J'ay l'honneur d'être avec des sentiments respectueux
Monsieur
de votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire gentilho orde du roy t c.