[?c.November 1723]
Soufrez monsieur que je m'adresse à vous pour une affaire que monsieur l'abbé st Remi a mise entre vos mains, que monsieur le duc de Richelieu vous recomande, et qui sûrement réussira puisque c'est vous qui avez la bonté de vous en mêler. C'est pour mademoiselle Aubert qui a envie de vendre quatrevingt livres de rente foncières sur des maisons et des terres à Richelieu. Monsieur l'abbé de st Rémi vous a je croi donné la procuration de cette demoiselle que vous avez bien voulu accepter.
Le bien qu'elle veut vendre est net et liquide; l'éloignement des lieux où il est situé est la seule raison qui l'oblige à s'en défaire, et afin d'en rendre la vente plus facile elle l'abandonnera au denier vingt. Je me flatte monsieur que l'inclination que vous avez à faire plaisir et la facilité que vous aportez dans touttes les affaires a[ssureron]t le succez de celle ci. J'oserai vous suplier d'ajouter à vos bontez, celle de délivrer la personne en question de touttes les suittes d'affaires qu'une vente faitte dans la coutume de Richelieu peut entrainer après elle. C'est bien assez que cette demoiselle garantisse le bien qu'elle vend libre de toutte hippotèque et de tout engagement. Comme c'est l'éloignement des lieux qui l'oblige à se défaire de ce petit bien, ce même éloignement l'empêcheroit de veiller aux suittes de la vente. On dit que c'est la coutume chez vous que le vendeur d'une rente foncière soit obligé de faire fournir et payer à l'aquéreur la rente qu'il a vendue; n'est ce donc pas assez que l'aquéreur s'adresse au propriétaire du fonds sur le quel la ditte rente est assignée? Le propriétaire des maisons et terres qui répondent de la rente de melle Aubert est très solvable. Quand il ne le seroit pas les fonds répondent du payement. D'ailleurs il demeure à Richel[ieu. Ma]demoiselle Aubert en est à plus de cent lieues. Vous voiez bien monsieur qu'il seroit absolument inutile à l'aquéreur d'exiger de mademoiselle Aubert la garantie d'un payement qui se doit faire si loin d'elle.
Quoiqu'il en soit monsieur je remets tout à votre bonté et à votre prudence. Je sçai que vous ne savez point obliger à demi, et je vous demande en grâce de procurer incessamment la vente de ce petit bien en tirant mademoiselle Aubert de tout embaras. Je suis persuadé que je vous ai très mal expliqué l'affaire mais vous l'entendez pour nous deux. S'il ne s'agissoit que de vous parler de mon estime et de ma reconnoissance pour vous je me serois assurément mieux expliqué. Si vous avez besoin de quelques éclaircissemens et de quelques papiers aiez la bonté de me le faire savoir. Mon adresse est dans la rue de Baune sur le quai des Teatins. Je suis Monsieur avec une reconnoissance infinie Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire