1766-05-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Michel Hennin.

Venez, Monsieur, reconnaître au plutôt les lieux que vous voulez embellir.
Voilà le premier moment où le païs de Gex a des feuilles et des fleurs. L'air qu'on y respire est plus doux que celui de Genêve.

Mettez moi, je vous en suplie, aux pieds de Monsieur L'a[m]bassadeur; je m'informe tous les jours de sa santé, et puis que la nature qui me persécute, ne veut pas que je lui fasse ma cour à Genêve, j'espère qu'il ne partira pas sans daigner venir encor prendre l'air dans nos hamaux, et les honorer de sa présence.

Gardez vous bien (si vous m'aimez) de m'oublier auprès de Mr Le chevalier de Taulès.

J'ai déjà fait usage de la singulière anecdote que je lui dois touchant l'étonnant traitté de Leopold avec Louïs 14 que j'aurais toujours ignoré sans lui. Si sa belle mémoire veut encor m'aider, le siècle de Louïs 14 ne s'en trouvera pas plus mal. Je ne me mêle, Dieu merci que des affaires du temps passé, et je laisse là le siècle présent pour ce qu'il vaut. Je ne prends point la Liberté d'écrire à Mr L'ambassadeur sur sa santé, je m'adresse à vous pour en savoir des nouvelles. Ma nièce qui alla ces jours passés lui présenter ses hommages et les miens, m'assure qu'il sera bientôt en état de sortir.

Adieu, Monsieur, toute ma petite famille vous embrasse bien tendrement, et soupire comme moi après le bonheur de vous voir.

V.