1766-07-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Michel Hennin.

Tout malade que je suis, mon cher Monsieur, il faudra probablement que je reçoive dans ma puante et délabrée maison, un prince victorieux et aimable.
Heureusement il est philosophe. Monsieur l'ambassadeur l'est aussi, vous l'êtes aussi, […] le chevalier de Taulès […].

Pouvons nous sans indiscrétion, madame Denis et moi, suplier son Excellence de vouloir bien nous protéger de sa présence, et d'amener Mr Le Prince de Brunswick? Nous leur donnerons du lait de nos vaches, du miel de nos abeilles, et des fraises de nôtre jardin. Négociez cette affaire avec son Excellence, mettez moi à ses pieds, dites lui qu'après qu'il se sera crevé avec le prince par sa trop bonne chère, il est juste qu'il vienne jeûner le lendemain à la campagne, respirer un air pur, et oublier les tracasseries genevoises et les cuisiniers français.

Je ne sais point le jour, j'ignore la marche de Monsieur le prince de Brunswick, j'ignore même si son projet est de diner dans ma cazerne. Mettez moi au fait; aiez la bonté de le prévenir sur l'état d'un vieillard infirme. Vous me ressuscitez quelquefois par vôtre gaieté, secourez moi par vos bontés. Mon cœur et mon estomac vous sont dévoués.

V.