1768-03-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul.

Vieux bavard, vieux radoteur, ne me remerciez point.
J'ai accordé le congé gratis à votre cuisinier bonne sauce, soldat du régiment de Conti, car enfin puisque vous êtes dans un désert comme st Pacôme, je veux au moins que vous ayez à manger, ce que st Pacôme n'avait guère.

Je me suis souvenu de votre ami Damilaville, brave gentilhomme ci-devant garde du roi, lequel ainsi que Taulès se sert aussi bien de sa plume que de son épée: c'est un homme d'une probité rigide. Je suis fâché qu'il ne soit que premier commis des bureaux du vingtième, et j'ai été encore plus fâché qu'on ait voulu par dévotion le priver d'une meilleure place qu'il a méritée. Je suis actuellement très dévot mais je crois que l'affaire du salut n'entre pour rien dans les affaires de la guerre ni dans les affaires des finances, j'oserais même dire dans celles de la politique, mais cela serait trop fort. Je donnerai volontiers un petit moment d'audience à votre nièce. Je sais qu'elle est venue à Paris après quinze ans d'absence pour arranger vos affaires et les siennes que ces quinze ans ont délabrées. De quoi vous mêlez vous aussi de donner des fêtes comme m. de Pompignan qui mandait au roi qu'il avait donné un dîner de vingt couverts dans son marquisat de le Franc?

On dit que vous voulez m'envoyer encore des soumissions d'artisans pères de famille qui s'engagent à habiter ma ville de Versoi. Pour dieu attendez qu'elle soit bâtie, vous êtes vif comme un jeune homme &a, &a. Comment trouvez vous mes bonnets de cuir bouilli? &a, &a.

le duc de Choiseul