aux Délices près de Geneve 15 mars 1759
Je n'ai point plaidé au conseil au sujet du centième denier qu'on éxige pour la vente à vie de Tournay, frontière de Gex et de Genêve. J'ai seulement eu l'honneur d'écrire à Monsieur de Chauvelin. J'ai représenté que la terre de Tournay est réputée étrangère, comme étant dans l'ancien dénombrement, et èxempte de toute imposition et taxe, qu'elle est conservée dans ses immunitez, exemptions et franchises depuis l'acquisition du païs de Gex par Henry 4, que ces franchises ont été conservées par Louïs 14 au traitté d'Arau 1658; que S: M: le Roi régnant a spécialement maintenu cette terre dans ses privilèges, par un brevet à Mr de Brosses en 1755, que ce n'est pas à moi à détériorer cette terre, en lui faisant perdre ses privilèges, que je pouvais aussi bien faire mon contract à Genêve qu'à Gex; que si ce contract avait été fait à Genêve, on n'aurait point demandé le païement du centième denier.
En un mot, je réclame les droits de la terre, prêt à payer s'il est décidé que je le doive; et priant qu'on ne fasse point de frais à un homme assez épuisé par cette acquisition. J'ajoute seulement, qu'en cas que la terre fût soumise au centième denier malgré ses privilèges, je prie qu'on n'éxige pas le droit de douze mille livres de réparations, les quelles 12000 £. par le contract même ne sont point éxigibles si je meurs dans trois ans; je demande à Messieurs les fermiers généraux, 1. si je dois le centième denier d'une terre réputée étrangère, libre de tous droits et taxes, et si je dois le centième denier d'un argent qui ne doit pas être employé si je meurs dans trois ans. Je prie Monsieur Girard d'envoyer copie de ma Lettre à qui il appartiendra.
J'ay l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur
Voltaire