Aux Délices, 20 mai [1759]
Les fermiers généraux, monsieur, m'ont envoyé la copie d'une lettre de m. le garde des sceaux de Chauvelinà m. de la Closure, résident du roi à Genève, du 20 décembre 1728, par laquelle les droits de contrôle, insinuation, centième denier, sont compris dans tous les autres droits dont les terres de l'ancien dénombrement sont exemptes, par ordre du roi; donc il n'est point dû de centième denier pour le bail à vie de Tournay.
Si ce bail à vie est regardé comme mutation, vous perdez tous vos droits; vous avez vendu votre terre à un Français, elle est déchue de ses privilèges.
Vous m'avez vendu votre terre à vie, monsieur, et vous savez que je ne l'ai achetée que parce qu'elle était libre. Vous m'avez garanti les franchises et les lods et ventes. Vous m'avez donné votre parole d'honneur qui vaut encore mieux que votre garantie par écrit.
Je réclame l'une et l'autre pour vous et pour moi. Courez, je vous en conjure, chez m. de Chauvelin, l'intendant des finances; faites lui sentir la conséquence de cette affaire. Conservez moi cette liberté qui me coûte assez cher.
Vous pourriez d'ailleurs parler à m. l'intendant de Bourgogne. Je vous supplie de l'engager à ne point troubler le repos de ma vie; elle a été assez malheureuse. Que je vous doive d'être oublié! Je suis un Suisse; je veux mourir Suisse et votre obligé.
V.
N. B. J'écris la lettre la plus pressante à m. de Faventine, fermier général, et à m. de Chalus, chargés des droits du domaine. Pourriez vous les voir? Mais surtout que m. l'intendant ne m'inquiète jamais, et que je vous en aie l'obligation.
V.