4e May 1766 à Ferney
Vous aimez, Monsieur, à citer juste, et moi qui suis barbouilleur d'histoire j'aime à citer juste aussi.
Vous avez raison quand vous dites qu'il y a un article dans le mémoire à consulter donné aux avocats de Paris, lequel qualifie les citoiens de Genêve souverains Législateurs. Mais aussi je n'ai pas tort quand je dis que dans le même mémoire on trouve ces paroles:
On peut considérer que les citoiens et bourgeois sont souverains conjointement avec tous les conseils quand ils sont assemblés en corps de République.
Ce que vous me dites à nôtre dernière entrevue me laissa, comme vous le croiez bien, le poignard dans le Cœur. Je me voiais accusé cruellement par devant le grand juge des anecdotes, Monsieur le Chevalier de Taulès; toute ma réputation d'amateur de la vérité était perdue. Ma douleur m'a fait relire ce vieux mémoire à consulter que j'avais entièrement oublié.
Vous voiez évidemment qu'un des articles s'explique par l'autre, et qu'il n'y a que des théologiens qui puissent tronquer un passage d'un auteur pour le condamner. Je vous demande donc justice et réparation d'honneur. Je crois que ce mémoire était si mal griffoné que ni vous ni Mr le Chevalier de Taulès n'avez lu L'article où je m'explique catégoriquement.
Voilà comme on juge les pauvres auteurs; voilà comme on a dit à la cour que mr Thomas était athée, parce qu'il a loué M: Le Dauphin de n'être pas persécuteur; on n'a ni la justice ni le temps de confronter les passages. Confrontez moi donc avec moi même, et vous verrez combien mon cœur est à vous.
V.