Je savais, Monsieur, qu'on débitait publiquement l'ouvrage dont vous me parlez, avec la lettre initiale de mon nom.
Je le lus il y a quelque temps à l'académie, et je ne vois pas ce qui pourait m'engager à le désavouer. La page 24 que vous avez fait copier est une critique vague de l'éducation donnée à la plupart des princes, et n'est applicable à aucun d'eux en particulier. Vous prétendez, monsieur, qu'on sent aisément l'allusion coupable qui règne dans ce passage. Pour moi je ne trouve coupable que celui qui tordrait le sens naturel de mes paroles pour faire une allusion satirique.
Quant au président Hénault, j'en ai dit ce qu'en pensent tous ceux qui sont versés dans notre histoire, et je ne sais point ce qui peut vous avoir donné lieu de m'écrire que je l'ai cruellement outragé. Je ne devine pas non plus quelle est la calomnie qui peut me faire des ennemis puissans et me nuire le reste de ma vie. J'aurais même raison de m'offenser de ce mot et de plusieurs autres de votre lettre, si je ne voiais que vous n'avez pas mesuré vos termes dans la fausse supposition que l'ouvrage n'était pas de moi. Du reste je ne souffrirais pas que qui que ce soit abusât de mon nom, et je crois que mr la Beaumelle l'entreprendrait moins qu'un autre.
Je viens à votre première lettre par laquelle j'aurais dû commencer. Vous me demandez dans quelle somme j'ai puisé l'anecdote touchant les parlements. Je l'ai prise dans les mémoires de la ligue et dans les mémoires de Nevers, où vous trouverez tout au long l'instruction dressée par les états. J'en avertis le lecteur dans mon écrit. Je sentais bien qu'un pareil fait ne pourait être avancé sans avoir la preuve en main. Si je n'étais à la campagne (où l'on m'a renvoié vos lettres fort tard) dépourvu de livres je vous citerais la page des mémoires du duc de Nevers pour vous épargner la peine de chercher.
J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec l'admiration et l'estime que j'ai pour vos rares talens, et l'attachement inviolable que je vous ai voué pour la vie, votre très humble et très obéissant serviteur
de Belesta de Gardouch
Le 20 Xbre 1768
De Beaupui près Grisolles route de Montauban