1770-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Paul Claude Moultou.

J'ai deux éclaircissements à vous demander, mon cher philosophe.

1. Il semble, page 25: qu'Abauzit ait corrigé Fontenelle sur son ignorance des principes de Neuton, et sur son très mauvais raisonnement sur le petit aplatissement de la terre aux pôles en 1702. Il n'avait alors que vingt et un ans; ce fut l'ingénieur Déroubais qui alla trouver Fontenelle, qui lui montra sa demonstration, et qui lui aiant prouvé que l'académie des sciences s'était trompée, voulut faire imprimer un mémoire. Ce mémoire aiant été renvoié par le chancelier à Fontenelle qui était censeur des livres, Fontenelle refusa l'aprobation.

Déroubais fit imprimer son ouvrage, l'académie ne se dédit que longtems après et Fontenelle était si peu au fait que dans l'éloge de Neuton il se trompe encor assez grossièrement. C'est dequoi j'ai rendu compte en partie dans les éléments de la philosophie Neutonienne.

Dans le discours sur l'apocalipse, page 260, on cite un passage très insolent et très fripon de l'emporté fanatique Jérome. Abauzit dit que ce passage se trouve dans l'épitre de Jérôme ad Paren. Je viens de feuilleter tous les tîtres des Epîtres de Jérôme, et j'ai eu le malheur de ne point trouver la Lettre qui contient ce passage, très capable de donner une juste idée des pères de l'Eglise.

On cite aussi dans la même page 260 l'histoire critique du nouveau Testament par Simon de l'oratoire, beaucoup plus savant que Simon Barjone; lequel Simon de l'oratoire fait usage, dit-on, de ce beau passage de Jérome. On nous renvoie au chapitre 23 de l'histoire critique du nouveau testament, sans nous indiquer le tome de ce chapitre 23. Je viens de consulter tous les tomes, et n'ai rien trouvé qui en aproche. J'ai peut être mal cherché parce que les malades sont impatients.

Je vous prie mon cher philosophe de me mettre au fait pour l'édification du prochain. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.