1er 8bre 1763
Je peux vous assurer, Monsieur, que je partage vos peines autant que j'estime vôtre journal.
Il m'a fait tant de plaisir, que depuis un an c'est le seul que je fasse venir, et que j'ai renvoié tous les autres.
Soiez encor très sûr qu'on a arrêté, pendant plus d'un mois, tous les imprimés qui venaient de Genêve. La Lettre d'un homme qui porte vôtre nom peut en avoir été la cause; on peut encor avoir eu d'autres raisons. Je me servirai de l'adresse que vous me donnez dès que j'aurai quelque chose qui poura convenir à vôtre grèffe.
Il y a un excellent ouvrage qui parait à Lyon depuis quelques jours, sous le tître d'Avignon; c'est une Lettre d'un avocat à l'Archevêque de Lyon, concernant la légitimité du prêt à intérêt; on y confond l'insolence fanatique de quelques pères de l'oratoire, chargés aujourd'hui de l'éducation de la jeunesse Lyonaise. Ces énergumènes plus intolérants et plus intolérables que les Jésuites, voulaient faire regarder l'intérêt de l'argent comme un pèché, et immoler Lyon au Jansenisme. Je vais écrire à l'auteur pour l'engager à vous envoier l'ouvrage par la voie de Mr Naudet.
Je ne sçais si vous savez que six cent citoiens de Genêve ont fait coup sur coup, quatre protestations contre le jugement du conseil qui a fait brûler l'Emile de Jean Jaques; ils disent qu'un citoien de Genêve est en droit de tourner en ridicule la religion chrétienne tant qu'il veut, et qu'on ne peut le condamner qu'après avoir conféré amiablement avec lui. Cela est assez plaisant dans la ville de Calvin: un temps viendra où il arrivera la même chose dans la ville où l'on prétend que Simon Barjone a été crucifié la tête en bas.