1736-01-03, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à [unknown].

 . . . Je vis avec un homme pour qui je vous ai vu de l'amitié et qui la mérite par son attachement pour vous.
Vous devez à cela reconnaître V. On va jouer une tragédie qu'il a faite depuis que vous étiez aux limbes. Lefranc est cause qu'il l'a donnée et il a valu cela au public par le mauvais procédé qu'il avait eu de voler son sujet dont on lui avait rendu compte. Nous allons jouer dans notre petite république de Cirey une comédie qu'il a faite pour nous et qui ne le sera que par nous . . . . Voltaire fait l'histoire de Louis 14 et moi je neutonise tant bien que mal. Je ne sais si vous avez ouï parler du voyage de Maupertuis et de Clairaut au pôle. Ils iront de la part de l'académie. Vous avez sans doute les observations périodiques de l'abbé des Fontaines. Ce pirate de la littérature m’ôte le plaisir de vous envoyer une lettre en vers de Voltaire au ms Argalotty, jeune Vénitien qui voulait être du voyage au pôle, uniquement par cette soif insatiable de voir et de connaître qui caractérise les gens de génie. Il mérite cette épithète à l’âge de 22 ans. Il a passé six semaines ici cet automne. Il a mis les sublimes découvertes de mr Neuton sur la lumière en dialogues qui peuvent (au moins) faire le pendant de ceux de Fontenelle, mais vous êtes peut-être curieux de savoir pourquoi l'abbé des Fontaines m'empêche de vous envoyer cette lettre, c'est parce qu'il l'a imprimée. Je ne sais trop comment il a fait pour l'avoir et nous en sommes tous fort fâchés . . . .