… A propos, j’ai lu le quatrième tome des questions encyclopédiques de Voltaire, très surpris d’y trouver une sortie épouvantable qu’il fait sur Maupertuis. Il y a quelque chose de si lâche à calomnier les morts, il y a tant d’indignité à noircir la mémoire des hommes de mérite, il y a quelque chose dans ce procédé qui dénote une vengeance si implacable, si atroce, que je me repens presque de la statue qu’on lui érige. Bon dieu! comment tant de génie se peut il allier avec tant de perversité! Je vous avoue que cela me fait de la peine. Enfin, vous qui avez le coeur bon, vous devriez faire des remontrances à Voltaire sur cette conduite, qui lui fait plus de tort qu’à Maupertuis. Je vous avoue qu’on se lasse de retrouver à tout propos Maupertuis, l’abbé des Fontaines, Fréron, le Franc de Pompignan, le poète Rousseau & Abraham Chaumeix dans ses ouvrages: des injures si souvent répétées dégoûtent le lecteur & démasquent trop le fond de l’âme de Voltaire. Cela est triste & n’est pas plaisant. Toutefois les pauvres vandales de ces cantons saluent le philosophe habitant de l’Athènes moderne, l’Anaxagoras de Paris: ils se recommandent à sa protection, à ses prières; ils le prient de les associer à ses œuvres pies, comme ces vandales se sont associés aux prières des bons pères jésuites: c’est le moyen de ne pas manquer le paradis, d’un côté un géomètre, de l’autre un jésuite; avec cette escorte il faut faire chemin, ou l’on en fera jamais. Conservez votre bonne humeur, riez de tout avec Démocrite. Vivez surtout, portez vous bien, & soyez sûr que personne ne s’y intéresse plus que le solitaire vandale de Sans-Souci. Sur ce &c.
le 25 juillet 1771